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© PSV.J.Morel-M.Froment

JUSTIN VERBOOMEN : L’ELOGE DE LA DISCRETION

24 octobre 2025

Champion d’Europe à Crozet, révélation à Aachen, cette année, Justin Verboomen s’est imposé comme la nouvelle star du dressage mondial aux côtés de son complice Zonik Plus. Une ascension fulgurante pour ce cavalier belge à la sensibilité rare, plus à l’aise au calme de son écurie que sous le feu des projecteurs. Avec pudeur et lucidité, il revient sur cette saison inattendue qui a fait de lui l’un des visages les plus marquants de sa discipline.

Votre saison 2025 a marqué un vrai tournant, avec Crozet et Aachen. 2025 est déjà, pour beaucoup, « l’année Verboomen ». Comment avez-vous vécu cette montée en puissance et comment s’est-elle construite ?
Justin Verboomen : Tout ça était vraiment inattendu. On a commencé par le premier petit international en novembre 2024. Rien n’était planifié pour la saison 2025 et tout s’est finalement mis en place de la meilleure des manières possibles. On a été invités à Mechelen, ça s’est super bien passé. On avait décidé de sortir aussi à Lier pour rester assez proche de la maison et éviter au cheval d’avoir à trop voyager. Tout s’est enchaîné très naturellement, mais absolument rien n’a jamais été planifié à la base.

Ce succès représente-t-il une vraie satisfaction pleine et entière ou une pression supplémentaire et une injonction à faire toujours mieux ?
J.V : La pression a toujours été là. Mais je me la mets à moi-même, je n’ai pas besoin de qui que ce soit ou de quoi que ce soit pour me la mettre ! Et là, quand je regarde les vidéos, les résultats, je me dis qu’il y a moyen encore d’améliorer tellement de choses au niveau de la décontraction ou de la précision. Ce ne sont pas forcément des points faciles, mais en tout cas je travaille à la maison pour faire toujours mieux.

Si vous deviez résumer votre saison 2025 en un seul mot, lequel choisiriez-vous ?
J.V : Juste… irréel.

Vous avez franchi pour la première fois le cap symbolique des 80 % à Aachen : quelles marges de progression voyez-vous encore dans vos reprises pour aller plus haut ?
J.V : Ça va surtout se jouer au niveau de la précision et de la décontraction du cheval. Il est encore très jeune, il n’est pas beaucoup sorti dans sa vie. Je pense qu’au fur et à mesure des concours, il va se relaxer de plus en plus vite sur le terrain. Et j’espère vraiment pouvoir l’aider au mieux pour progresser ensemble dans ce sens.

Racontez-nous votre rencontre avec Zonik Plus. Qu’est-ce qui vous a immédiatement touché chez lui ?
J.V :
J’étais en voyage au Portugal et je cherchais un cheval. J’en avais vu plusieurs sans réel coup de cœur. En fin de journée, un ami me dit : « J’ai peut-être quelque chose pour toi. » On est allés voir dans une écurie, les chevaux sortaient les uns après les autres vers le terrain extérieur… et puis Zonik est apparu. Dès que je l’ai vu arriver de loin, je me suis dit : « C’est pas possible, ils veulent vendre ce cheval ? » Il était magnifique, avec une telle expression, trois allures vraiment correctes et une sensibilité que j’ai immédiatement ressentie et adorée.

On dit souvent qu’un cheval de dressage est le miroir de son cavalier : que reflète Zonik Plus de vous-même ?
J.V : On partage cette sensibilité. C’est quelque chose dont on fait preuve tous les deux. C’est ce qui me touche le plus chez lui, au quotidien. C’est un cheval tellement doux, tellement gentil. Il n’y a pas une once de méchanceté en lui — dans peu de chevaux ceci dit — mais lui est toujours positif, de bonne humeur. C’est un rayon de soleil.

Si vous deviez choisir un mot pour définir votre relation avec Zonik Plus, lequel serait-il ?
J.V : En un mot c’est difficile. Ça dépasse un simple mot. Je l’aime vraiment mon cheval. C’est mon compagnon de vie. Sans lui, je n’aurais sans doute jamais fait ce qu’on a fait cette année. Tout ce qui se passe aujourd’hui, c’est en très grande partie grâce à lui. J’ai toujours eu des sentiments hors normes envers ce cheval et cette année, ça a simplement confirmé à quel point notre lien est profond.

Cette année vous a propulsé sur les podiums, parfois même devant des figures emblématiques comme Isabell Werth. Comment vit-on un tel basculement, aussi rapide ?
J.V :
C’est arrivé tellement vite. Même un peu trop vite, je pense. Mais c’était tellement inattendu. Mon but était juste de faire le mieux possible. Ça a fonctionné jusqu’à maintenant. On verra la suite.

Les choses vont vite pour vous sur la scène sportive, pourtant vous insistez souvent sur la notion de patience dans le travail. Pouvez-vous nous donner un exemple concret d’un mouvement ou d’une phase d’entraînement où vous avez volontairement attendu avant d’aller plus loin ?
J.V : Finalement, ce n’est pas tellement sur des mouvements qu’il a fallu faire preuve de patience parce que Zonik a montré tellement de talent très tôt… Mais c’est plutôt pour son entrée sur le Grand Prix. Il était sans doute prêt depuis plus longtemps, mais j’ai préféré attendre, attendre encore un peu, prendre mon temps et faire vraiment peu de sorties pour lui laisser encore un peu plus de temps et prendre de la maturité.

Les standards du dressage évoluent vers toujours plus de précision et d’harmonie. Comment percevez-vous cette évolution ?
J.V : C’est aussi l’évolution de ces standards qui a probablement joué en notre faveur cette année. Et quelque part, dans mon travail de tous les jours avec tous mes chevaux, je recherche cette harmonie, le retour à la beauté du geste. En compétition, ce n’est pas toujours évident à avoir, car les conditions sont très différentes de celles que nous avons à l’écurie, mais on essaie.

Vous incarnez aujourd’hui un nouveau visage du dressage belge : pensez-vous qu’il existe un “style belge”, ou est-ce encore à inventer ?
J.V : Non, je ne pense pas qu’il y ait à proprement parler un « style belge ». Avec les autres cavaliers belges, nous nous voyons, nous discutons, nous échangeons et nous convergeons tous vers cette recherche de toujours plus d’harmonie. Et je pense que cela vaut pour tous les cavaliers, belges ou non. À ma petite échelle, je vise aussi cet objectif évidemment.

Vous êtes entré de plain-pied et par la grande porte dans le circuit Coupe du monde FEI. Quels sont désormais vos objectifs ?
J.V : L’objectif principal, ce sont les Championnats du monde de 2026. Pour 2025, rien n’est arrêté : je veux voir comment Zonik évolue, adapter le programme selon lui. Le but, c’est qu’il continue de progresser sereinement.

Vous êtes décrit comme un cavalier discret, pas toujours à l’aise avec les projecteurs : comment vivez-vous cette nouvelle notoriété ?
J.V : Pour être honnête, pas très très bien. J’aime être à l’écurie, au calme, entouré des gens avec qui je travaille. C’est là que je me sens le mieux, concentré. Ce n’est pas contre les journalistes, mais c’est vrai que c’est une partie plus difficile à assumer pour moi.

Dans votre parcours, y a-t-il eu un moment où vous avez douté de pouvoir atteindre ce niveau ?
J.V : Oui, bien sûr. Je crois qu’on doute tous les jours, surtout avec les chevaux. Tout dépend aussi des rencontres que l’on fait : les coachs, les chevaux, les propriétaires. J’ai eu la chance de croiser des personnes qui m’ont énormément aidé — et Zonik aussi. Mais oui, il y a des moments où on se dit : « Est-ce que ça va arriver un jour ? »

Ce parcours est formidable mais très exigeant. Quels ont été, pour vous, les sacrifices les plus difficiles à accepter ?
J.V : Surtout sur le plan personnel. Des sacrifices au niveau de la vie de famille et des amis, parce que ce que nous faisons demande énormément de temps et d’investissement. C’est un engagement total.

Quand vous n’êtes pas à cheval, comment parvenez-vous à déconnecter, à retrouver un équilibre ?
J.V :
C’est chez moi que je peux réellement déconnecter le plus facilement. J’ai la chance d’habiter un endroit vraiment magnifique où je suis entouré de mes animaux, mes chiens, ma famille. C’est là que je peux me poser. Aménager les extérieurs, respirer. Je suis un homme qui a besoin de vivre dehors.

Y a-t-il des personnalités, équestres ou non, qui vous inspirent particulièrement dans votre manière d’être cavalier ?
J.V : Si je dois citer une personnalité du monde équestre, ce sera évidemment Carl Hester, que j’admire beaucoup pour sa précision, son classicisme dans son équitation. Il y en a bien d’autres que je pourrais citer. Mais si je ne dois en nommer qu’un seul, c’est lui.

Quel est le moment le plus fort de votre carrière jusqu’à présent : Crozet, Aachen… ou un souvenir plus intime que personne ne connaît ?
J.V : Je pense que c’est très certainement Aachen, cette année. C’était la première fois que je participais à un concours de cette ampleur. J’ai été saisi par les réactions du public, qui avait l’air de ressentir exactement ce que moi aussi je ressens quand je suis aux côtés de Zonik. C’était pour moi tellement émouvant. Ce public allemand, présent, là, qui encourageait le petit Belge, c’était incroyable.

Qu’est-ce qui vous nourrit le plus dans le dressage : la compétition, le travail à la maison ou le partage avec le public ?
J.V : C’est vraiment le travail à la maison. Chercher chaque jour à améliorer les choses, affiner les sensations, comprendre un peu mieux mon cheval. La compétition est la concrétisation de ce travail, mais ce n’est pas une fin en soi. Les chevaux restent au centre de tout. Ce sont eux qui m’ont attiré vers ce sport. Mon père était cavalier et entraîneur, j’ai grandi auprès d’eux. C’est leur présence, leur sensibilité qui m’ont donné envie d’apprendre, d’essayer de toujours mieux les comprendre. Et je crois que c’est ça, au fond, le vrai moteur : la quête de justesse, pas la victoire.

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